La crise sanitaire récente a prouvé que les TIC (Technologies de l’information et de la communication) étaient vitales pour la survie et le maintien du système éducatif. Dès la fermeture des écoles, les acteurs de l’éducation dans plusieurs pays du monde ont rapidement compris que l’épanouissement des enfants dans l’éducation passerait entre autres par les technologies de l’information. En Afrique subsaharienne, des mesures ont été mises en place pour assurer la diffusion des cours par des plateformes technologiques. Aujourd’hui, même si ces mesures constituent une réponse immédiate ou partielle à la situation sanitaire, des efforts pour hisser le numérique au premier plan du système scolaire s’avèrent nécessaires.

 

I- L’état de l’éducation pendant la Covid-19 : défis et axes de progression

Si au cours des dernières décennies, l’Afrique a connu des progrès conséquents dans l’accès à l’éducation de base, force est de constater que les disparités restent toujours importantes et se font remarquer surtout en période de crise. L’accès à l’éducation révèle de divers problèmes d’inégalité entre les classes sociales et entre les genres. Ces différences ont un impact direct sur l’accès aux outils technologiques pouvant faciliter l’apprentissage. La récente pandémie de la Covid-19 a montré l’importance du travail à distance et le secteur éducatif africain a expérimenté des défis d’adaptabilité au numérique car nombreux sont les pays disposant de peu de matériels éducatifs de qualité.

La crise sanitaire a apporté des changements dans l’environnement scolaire poussant les enseignants et les élèves à s’adapter. Les cours se sont donc déroulés sur des supports électroniques, parfois limités seulement aux élèves ayant les moyens. Pour la majorité, les cours ont été diffusés par les technologies traditionnelles telles que les télévisions et radios.  Dans certains pays, l’apport de la vidéoconférence et de la mise en ligne des cours ont permis aux établissements de poursuivre les enseignements. Pour le moins, bon nombre d’écoles en Afrique n’ont pas pu bénéficier de cet accompagnement faute de moyens financiers. Au Sénégal où des écoles ont été fermées dès le 16 mars 2020, pour assurer la continuité de l’éducation, une plateforme de ressources en ligne a été créée. Ce dispositif a pour but de vulgariser les ressources numériques auprès du corps enseignant, des élèves et de leurs parents.

Les défis numériques laissés par l’impact de la covid-19 se ressentent par les enseignants qui doivent concevoir des cours en ligne en passant par la maîtrise de nouveaux logiciels appropriés (zoom, teams etc.). Et pour les élèves, ils sont tenus d’optimiser des prises de notes, de prêter plus d’attention à l’écoute, de faire des synthèses pour une restitution de l’information utile.

Pour donner à chacun la chance de réussir pendant la crise et s’adapter aux outils numériques, il convient de favoriser l’accessibilité aux technologies aux élèves et la formation des enseignants.

 

II- L’apport du numérique dans l’éducation

Les technologies du numérique font partie intégrante de notre vie et impactent considérablement notre vision du monde.  Les activités quotidiennes comme la façon de communiquer, la recherche d’informations ou encore le paiement de nos factures n’ont pas été épargnées par le processus de numérisation des systèmes. L’Afrique Subsaharienne connaît une révolution numérique et a bénéficié pendant les deux dernières décennies, plus qu’ailleurs des technologies mobiles dans les domaines de la banque (Mobile Money), de la santé et de l’agriculture. Le secteur de l’éducation n’est pas en reste avec le développement des systèmes de partage des contenus pédagogiques à distance. Malgré cela, Il est donc important de s’interroger sur son apport et intégration totale dans l’éducation et son impact sur le long terme dans la transformation des méthodes d’apprentissage.

Le numérique ouvre, en effet, de nouvelles perspectives dans l’apprentissage (en classe comme en dehors) et se révèle précieux pour répondre à certains besoins des élèves. L’impact des TIC sur l’éducation a eu pour effet de voir le développement de nouvelles méthodes d’apprentissage avec les autres, et de multiplier les approches : individualiste, mutualiste ou collaborative. Selon Thomas L. Russell : “ ce n’est pas la technologie elle-même, mais l’application de la technologie, qui a le potentiel d’affecter l’apprentissage.” S’agissant de l’ouverture sur l’extérieur, le numérique permet de dépasser les murs traditionnels d’une classe pour faire place dans un monde plus ouvert à l’information.

Au niveau de l’enseignant, il y a une véritable évolution de son rôle à celui d’intermédiation entre les apprenants et l’objet d’apprentissage, en se positionnant comme des médiateurs entre le savoir et les élèves, des facilitateurs d’apprentissage ou encore des créateurs d’environnements pédagogiques. Le numérique permet à l’enseignant de se renouveler, de repenser son enseignement, de découvrir de nouveaux outils, d’actualiser et d’enrichir les contenus de son cours. Il a donc la possibilité d’utiliser des outils tout prêts (logiciels ou activités), soit développer ses propres contenus. Aujourd’hui, grâce au numérique, l’enseignement devient plus accessible, plus personnalisé et beaucoup plus adapté dans plusieurs pays d’Afrique.

 

III- Approches pour promouvoir le numérique dans l’éducation

Plus que jamais, le numérique représente une opportunité pour améliorer le système éducatif et conduire les apprenants Africains à une intégration globale. L’Afrique a connu des milliers d’initiatives technologiques dans l’éducation ; de la diffusion des cours sur la radio et télévision à la distribution massive des outils informatiques tels que les ordinateurs dans les années 2000 par plusieurs groupes ou ONG et fondations comme Computer Aid International, Digital Links, SchoolNet Africa et World Computer Exchange.

Aujourd’hui, face à l’émergence d’approches hybrides, des plateformes vidéo en ligne, des applications mobiles, des smartphones et tablettes. favorisant l’apprentissage à distance et à la récente crise sanitaire, il est indispensable d’intégrer le numérique dans l’éducation en Afrique pour assurer la réussite et le développement des talents.

Plusieurs actions peuvent être mises en place pour promouvoir le numérique dans le secteur éducatif Africain.

Initiation de la jeunesse : tout comme l’éducation traditionnelle, l’initiation à l’outil informatique doit être encouragée dès le cours primaire. En Afrique subsaharienne, malgré une généralisation des salles informatiques publiques sous forme de cybercafés, la majorité d’établissements scolaires ne disposent pas de laboratoire informatique, lieu favorable à la formation des élèves. Cependant, les efforts collectifs pour équiper chaque école primaire et secondaire des communautés défavorisées de salles d’informatique doivent être encouragés car dans un monde numérique très connecté, chaque enfant, peu importe le statut social, doit avoir les connaissances de base et facilement utiliser les TIC.

Intégration du TIC dans l’enseignement : pour amplifier le développement des TIC dans l’éducation en Afrique subsaharienne, les instances de l’éducation doivent non seulement favoriser l’utilisation des outils informatiques mais aussi intégrer des cours essentiels des TIC dans les curricula scolaires.

Dans certains pays depuis 2010, des formations gratuites par des fondations et dédiées aux jeunes sur les langages de programmation (coding) et de robotique continuent à se multiplier. A l’instar des écoles comme Happy Coders, Coder Dojo qui font des ateliers d’initiation dans plusieurs pays du continent, de nouveaux projets se mettent en place. Officialiser ces enseignements dans l’éducation permettrait aux enfants de ne plus être passifs face aux écrans, d’intégrer ces outils dans des réflexions plus profondes et d’être autonomes.  Ils seront capables de développer des solutions aux problèmes réels de la société et d’apporter leur expertise dans tous les corps de métiers exposés à la transformation numérique.

Soutien solide des institutions aux entrepreneurs dans le numérique : l’engouement autour des TIC incite les entrepreneurs à créer des logiciels et applications mobiles pour répondre aux besoins de la société. Le secteur de l’éducation n’en est pas épargné. La crise sanitaire de 2020 qui a provoqué la fermeture des établissements scolaires a aussi prouvé que l’éducation a plus que jamais besoin d’intégrer les nouvelles technologies pour assurer la réussite des apprenants. De nombreux pays ont fait recours à l’enseignement en ligne, aux plateformes d’offres pédagogiques en ligne, aux réseaux sociaux, à la radio et à la télévision. Ce fut le cas en Tanzanie avec Shule Direct, une plateforme qui dessert plus de 2 millions d’élèves et 23 637 enseignants du secondaire; au Kenya, au Ghana et en Côte d’Ivoire avec Eneza Education qui partage des contenus pédagogiques par SMS à ces abonnés d’écoles primaires et secondaires. Au Togo, l’association Kekeli Lab et son projet de bibliothèque virtuel encré dans l’intégration des TIC, continue d’accompagner les élèves dans leur éducation. Ces initiatives qui permettent non seulement aux jeunes enfants de s’instruire mais de faire évoluer l’éducation nationale malgré la crise, doivent être encouragées. Ce faisant, il serait nécessaire que les dirigeants multiplient les aides adaptées aux jeunes entrepreneurs africains dans le secteur du numérique afin qu’ils puissent continuer à développer des solutions qui encouragent la transformation des mentalités.

Collaboration efficace entre les différents acteurs : propulser le développement numérique dans les régions d’Afrique Subsaharienne requiert l’intervention des acteurs étatiques. Les gouvernements doivent établir des collaborations pérennes et efficaces avec des grandes entreprises privées, leaders de la technologie tels que : les sociétés de télécommunications qui facilitent l’accès à l’internet pour tous les citoyens, les entreprises “Big Tech” (GAFAM) pour la construction des centres et le développement des programmes pour soutenir la formation des jeunes dans le numérique et favoriser leur intégration.

En somme, les besoins en infrastructures numériques dans l’éducation des enfants en Afrique restent considérables malgré les efforts déployés au cours des dernières décennies par les divers acteurs. La nécessité des TIC dans l’éducation s’est d’ailleurs accentuée avec les répercussions sanitaires et socio-économiques de la pandémie dans les pays. Il était donc urgent d’adapter rapidement le numérique pour maintenir le système éducatif. Même si beaucoup de pays en Afrique subsaharienne ont pu sauver leur année académique, des mesures doivent être mises en place pour assurer l’intégration totale du numérique dans l’éducation des enfants avant 2030. Les acteurs étatiques et privés doivent adopter une approche plus large et structurée afin de démocratiser le soutien scolaire pour tous, un atout sûr pour le développement durable.

 


Sigles et acronymes

  • TIC : Technologies de l’information et de la communication.
  • ONG : Organisations Non Gouvernementales.
  • GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.

Sources

  • Banque Européenne d’Investissement. COVID-19 : les solutions numériques de l’Afrique. 2020. consulté le 15/06/2021 sur https://www.eib.org/attachments/country/africa_s_digital_solutions_to_tackle_covid_19_fr.pdf
  • Agence Française de Développement, Agence universitaire de la Francophonie, Orange & UNESCO. Le numérique au service de l’éducation en Afrique. 2015. consulté le 15/06/2021 sur https://mediatheque.agencemicroprojets.org/wp-content/uploads/Le-num%C3%A9rique-au-service-de-l%C3%A9ducation-.pdf
  • Les enfants dans un monde numérique. 2017. consulté le 17/06/2021 sur https://www.unicef.org/media/48586/file/SOWC_2017_FR.pdf
  • Édith Brou. Afrique IT News. Le numérique, pierre angulaire de l’éducation en Afrique. consulté le17/06/2021 sur https://afriqueitnews.com/tech-media/le-numerique-pierre-angulaire-de-leducation-en-afrique/
  • Les défis de la continuité pédagogique au Sénégal face au Covid-19.2020. consulté le 24/06/2021 sur https://fr.unesco.org/news/defis-continuite-pedagogique-au-senegal-face-au-covid-19 publié et consulté le 24/06/2021
  • Evelyne Beguinot, Happy Coders Academy. Former la jeunesse africaine à l’informatique et à la robotique n’a jamais été aussi urgent. 2020. consulté le 15/06/2021 sur https://www.globalpartnership.org/fr/blog/former-la-jeunesse-africaine-linformatique-et-la-robotique-na-jamais-ete-aussi-urgent

Auteurs : Christelle Tibé Douti, Juriste en banque ; Martine Dognon, Etudiante infirmière ; Jalloud Gneni, Juriste.

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