L’année 2020 marquait le début d’un compte à rebours de 10 ans pour garantir la scolarisation de tous les enfants, pilier du développement durable à l’horizon 2030, et fixé par les gouvernements en 2015. Mais face à la réalité, l’insécurité qui sévit dans les régions de l’Afrique subsaharienne risque de retarder l’objectif.
En juin 2019, 1,91 million d’enfants étaient privés d’éducation et environ 44 000 enseignants étaient affectés en raison de la violence au sein et aux abords des écoles au Burkina Faso, au Cameroun, au Mali, au Niger, au Nigéria, en République Centrafricaine, en République Démocratique du Congo et au Tchad[1]. L’éducation qui est censée être un levier de développement d’une nation et d’épanouissement de l’individu, reste toujours un défi préoccupant. Avec une population jeune, 64,5% âgée de moins de 25 ans et un système éducatif déstabilisé, la sous-région a plus que besoin de gros investissements pour instruire les enfants pour un meilleur avenir.
Le présent article énumère les principaux obstacles auxquels se heurtent les enfants dans leur accès à l’éducation de base dans les zones de conflits et fournit des exemples d’efforts à déployer pour créer un système valorisant ce droit universel reconnu à chaque enfant.
L’état de l’éducation dans les régions en crise
Au cours des dernières décennies, plusieurs régions de l’Afrique subsaharienne ont été le théâtre de différentes crises qui ont eu un impact significatif sur le système éducatif entraînant un taux élevé de déscolarisation. C’est le cas d’un certain nombre de pays du Sahel dont l’éducation est en proie aux conflits armés, aux déplacements et au changement climatique, et surtout aux différentes crises sanitaires (Ebola, Covid-19 etc..). Les conséquences sont sévères : les enfants et jeunes ont moins de chance d’accéder à l’école, de réussir leur année scolaire, d’obtenir leur diplôme, ainsi que de passer dans le secondaire. Pour les zones qui arrivent à maintenir des classes ouvertes , les temps de classe des élèves diminuent, réduisant ainsi fortement le taux d’alphabétisation.
Au regard du contexte scolaire déjà complexe, les crises d’insécurité fragilisent davantage le système éducatif. Ces crises causent une augmentation du taux d’abandon des élèves et la destruction de certaines écoles. On note la plupart du temps un exode des populations vers des zones de paix. Au-delà de la déscolarisation, bon nombre d’élèves inscrits présente une faible performance scolaire, car ils restent pendant une longue durée sans contact avec les enseignements.
Par ailleurs, les conflits empirent les inégalités de genre. Les filles ont deux fois et demi plus de risques d’abandonner l’école primaire dans les zones de conflit. Certaines sont poussées à quitter l’école sous mesure de précaution contre les enlèvements. D’autres arrêtent les cours sous la pression des parents en période de crise et sont malheureusement exposées aux violences sexuelles, de mariages et de grossesses précoces ou non désirées. Plusieurs travaux ont montré une corrélation entre les situations de crise et l’augmentation des violences domestiques. Au Niger, dans la région la plus affectée par le conflit, quand les taux de fréquentation scolaire baissent de manière spectaculaire aux alentours de 15 ans, le taux de mariages précoces est le plus élevé du monde soit 89% des filles étant mariées[2].
Pourquoi maintenir l’éducation en période de crise?
Maintenir et renforcer l’éducation de qualité est essentiel pour combattre les crises humanitaires. Elle apporte aux populations et aux jeunes en particulier un soutien psycho-social, un cadre pour la construction de projets individuels et collectifs, ainsi que les connaissances et les compétences pour maintenir un espoir en l’avenir.
L’éducation est désormais considérée par les institutions internationales comme un moyen essentiel pour sauvegarder des vies. Elle a été qualifiée de quatrième pilier de l’humanitaire au côté de l’alimentation, du logement et de la santé. De plus, en 2007, l’éducation a été reconnue par les nations unies comme un domaine à part entière de l’aide d’urgence dans le cadre de la réforme du secteur de l’humanitaire (IASC, 2007)[3].
Dans de nombreuses zones, en particulier dans les zones rurales, le manque de perspectives d’avenir (formation, emploi), les conditions de vie difficiles, impactées de plus en plus par les changements climatiques (sécheresses, progression des zones arides, baisse des rendements agricoles), créent des situations de vulnérabilité pour les populations locales qui les rendent davantage susceptibles de succomber à la radicalisation et/ou la violence.
L’éducation apporte ainsi des réflexions sur la prévention de la radicalisation en s’axant sur une éducation à la paix , une ouverture sur l’autre et le monde ainsi que le fonctionnement des institutions y compris religieuses. Elle favorise l’acquisition de capacités critiques et de compétences psychosociales permettant de déconstruire les raisons historiques ou religieuses invoquées par les groupes radicaux. (CNESS, 2018).
Recommandations pour assurer une éducation en zone de crises
Ré-établir l’éducation dans un pays en crise est une initiative délicate qui ne peut se réaliser sans des actions concrètes dans les secteurs suivants.
Le bien-être de tous
- Mise en place d’un programme d’accompagnement psycho-social pour assister le personnel enseignant, les parents d’élèves et les élèves qui pourraient être traumatisés par les crises.
- Création d’un programme de subvention alimentaire dans les cantines scolaires afin d’éradiquer la malnutrition chez les élèves vivant en précarité et bouleversés.
Les infrastructures et la sécurité
- Après une crise, il est important de mettre en œuvre un programme de réhabilitation des infrastructures scolaires ou la création le plus tôt possible de petites espaces d’apprentissage temporaires. Si la crise est un conflit armé, les infrastructures endommagées doivent être reconstruites. En cas de crise sanitaire, un programme pour désinfecter et protéger les lieux doit être mis en place.
- Dans les régions sans électricité, une étude de faisabilité́ sur l’utilisation de petites sources « d’énergie solaire » dans les établissements scolaires peut être indispensable.
Pour propulser l’éducation des enfants, les dirigeants doivent doter les écoles en manuels scolaires, livres de bibliothèque; créer des coins lecture, des centres informatiques et des centres multimédia pour l’épanouissement des jeunes enfants. Encore mieux, pour assurer la continuité des enseignements à distance avant la réhabilitation des infrastructures, des solutions comme la diffusion des cours à la télévision pour ceux qui disposent de téléviseur ou à la radio sont nécessaires. Par exemple au Mali, les crises d’insécurité et plus récemment la crise sanitaire de la COVID 19 ont poussé l’UNICEF et la Fondation de la radiodiffusion pour les enfants (Children’s Radio Foundation) à intensifier le programme de distribution de petites radios alimentées par énergie solaire aux enfants vulnérables afin qu’ils puissent continuer à apprendre en sécurité[4].
- La sécurité étant indispensable pour la protection des enfants et des enseignants, les Etats doivent mettre en place des mesures de sécurité appuyées par les agents de sécurité nationale ou les gardiens dans les écoles pour éviter les enlèvements et protéger les enfants.
Le capital humain qualifié
- Pendant ou après une crise, les dirigeants doivent s’assurer que le personnel enseignant est à jour par rapport au programme scolaire. Pour ce faire, l’Etat doit réévaluer les instituteurs ou les former sur les connaissances, les compétences fondamentales, les méthodes pédagogiques, les mesures d’adaptation et de protection des enfants.
- Une prime de motivation pour soutenir les enseignants servant dans les zones de crise peut relancer l’éducation.
Les actions sociales
Après une crise, différentes mesures sociales peuvent être mises en place pour rassurer la population et la diriger dans le bon sens. Dans le secteur de l’éducation, les dirigeants peuvent :
- Lancer une campagne d’alphabétisation, notamment à destination des familles, afin qu’elles comprennent l’importance de scolariser leurs enfants.
- Rendre accessible l’éducation aux jeunes filles qui après la crise pourraient définitivement abandonner les études. L’enseignement et l’apprentissage doivent être conçus de manière à consolider la paix et à favoriser leur éducation, notamment en s’attaquant aux stéréotypes sexospécifiques, en prévenant les mariages précoces, en luttant contre la violence et les pratiques discriminatoires liées au genre.
- Proposer des alternatives pour intégrer les jeunes qui n’ont jamais eu la chance d’aller à l’école.
- Concevoir et diffuser des messages de sensibilisation sur la réconciliation, la paix, le pardon et la confiance mutuelle à l’endroit des parents d’élèves, des enseignants pour favoriser une reprise normale des activités éducatives.
Les actions des partenaires : organismes et financiers
- Les organismes d’aide à l’éducation dans ces régions où règne l’insécurité, doivent alléger les critères de financement pour favoriser une éducation sur le long terme à tous les enfants. Cela permettra de soutenir les enfants dans ce processus pendant et après la crise.
En conclusion, il est important de mentionner que l’état de l’éducation en Afrique subsaharienne pour soutenir le développement durable est au cœur de nombreuses discussions depuis des années. Malgré les diverses mesures globales mises en place pour améliorer la situation des pays en voie de développement, le taux de décrochage et d’analphabétisation ne cessent de croître dans les pays frappés par des conflits. Ce phénomène constitue un frein au développement et pourrait plonger la jeunesse totalement dans la pauvreté. Pour y remédier, il faudra une prise de conscience et une application des recommandations précitées selon les pays afin de renforcer et d’encourager l’éducation des enfants en toute sécurité.
L’ association Afreek’Ed France créée dans le but de promouvoir l’éducation des enfants en Afrique Subsaharienne fait appel à votre grand appui qui est essentiel pour le financement des programmes d’éducation des enfants. Cet appui inclut votre aide pour la fourniture de matériel d’enseignement et d’apprentissage, l’ouverture de centres d’apprentissage, la formation des enseignants à la gestion positive des classes et la préparation au marché de l’emploi des jeunes diplômés.
Sources
[1] SOS Enfants – UNICEF. L’éducation en péril en Afrique de l’Ouest et centrale. Août 2019.
[2] Plan International. « Adolescent girls in crisis: experiences of risk and resilience across three humanitarian settings (Lake Chad Basin, South Sudan, Rohingya refugee camps in Bangladesh) ». 2018.
[3] Magali Chelpi-den Ramer, Marion Fresia, Eric Lanoue. Éducation et conflits, les enjeux de l’offre éducative en situation de crise. 2010, https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers18-07/010052075.pdf (IASC 2007).
[4] Fatou Diagne. UNICEF. Au Mali, l’apprentissage par la radio, rayon de soleil pour les enfants. 2021, https://www.unicef.org/fr/recits/au-mali-lapprentissage-a-travers-la-radio-rayon-de-soleil-pour-les-enfants
FAQ : pour plus d’amples informations ou pour toute suggestion, veuillez nous contacter sur hello@afreekedfrance.org
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